top of page

Mémoire La Pièce rouge [...]

​

Projet de film d'artiste

Faire monument, la mémoire du geste

​

Gestes d'artistes

Critique d'art

Théorie de la création actuelle

​

Faire monument, la mémoire du geste - Le film d’artiste plasticien
par Valérie Galerne .k.a. Mari Gwalarn - 11/05/20
Acte pour le séminaire Geste(s) Public(s) : la recherche en action, animé par Marion Hohlfeldt et E. Delprat
Université de Rennes 2 - UFR ALL - Classe de Master Art Pla Recherche

L’idée de produire des petits films en guise de travaux-témoins de recherche fait suite à la projection, en cours, d’une vidéo signée Jochen Gerz. Il est connu pour ses réalisations performatives qualifiées d’anti-monuments, impliquant la participation de la population vivant dans les endroits où elles sont installées(1). Son film est composé de longues séquences filmées en caméra fixe, cadrées en gros plan, sur un geste, ou un élément de mobilier de son appartement. En voix off, on l’entend commenter ces images comme si elles illustraient son schéma de pensée. L’apparente inadéquation entre les visuels et le récit sonore, transforme ce qui aurait pu être un simple documentaire sur la manière dont l’auteur démarre son processus créatif, en composition singulière et artistique. Pour nous, il s’agit de fixer, de manière originale,  la manière dont les professionnels du monde artistique se mettent au travail.

Si j’ai souvent utilisé mon caméscope pour immortaliser les étapes de la réalisation de mes sculptures en atelier, j’avoue n’avoir jamais encore produit de film d’artiste. Peu de plasticiens choisissent la vidéo comme médium principal. La plupart du temps d’ailleurs, ils ont recours à des collaborations avec des réalisateurs dont c’est le métier. Tout le monde se souvient du fameux court-métrage de Hans Namuth mettant en scène, dans les années 50, Jackson Pollock expliquant sa technique du dripping(2), tout en préparant ses pots de peintures, chez lui, à la campagne.


De nos jours, les expositions d’art-contemporain comportent au moins un film d’artiste. L’auteur y dévoile une partie de sa dialectique en s’adressant directement à l’observateur. La plupart du temps, l’art vidéo déroute par son absence de narration et le télescopage d’images et de sons, lequel découle avant tout d’une expérimentation esthétique. Ces œuvres sont souvent diffusées à part, dans une petite loge dédiée, comme  la « black box », dont l’allure de salle de cinéma invite à la contemplation. En consultant les références sur cette forme d’art, force est de constater que depuis les années soixante, il s’est développé autant de formes de présentation de ces films et autant de styles audiovisuels qu’il y a de praticiens. Pour leurs compositions, ils peuvent avoir recours aux dernières innovations technologiques  ou bien utiliser d’anciennes techniques cinématographiques ou photographiques. Les plus grands spécialistes de la discipline utilisent la vidéo comme un support véhicule de leur univers propre. Chaque production contient des indices facilement identifiables, comme des éléments symboliques récurrents qu’un peintre glisserait dans chaque tableau. Par exemple, on sait que l’ouvrage de Bill Viola(3) traite du rapport au temps et qu’il se sert, pour le signifier, en plus d’astuces de montage, de la présence de la terre, du feu, de l’air, et surtout de l’eau comme éléments perturbateurs, donnant du rythme et du dynamisme aux séquences.

Ce qui est rassurant pour ma propre mission de réalisation c’est de constater que les films d’artistes, qui me plaisent le plus, impliquent souvent des acteurs autres que l’auteur lui-même. Ainsi, Sophie Calle, pour son œuvre Prenez soin de vous, en 2007, filme 107 femmes, aux statuts sociaux et culturels différents, interprétant à leur manière et dans leur cadre coutumier, leur propre lecture d’une lettre de rupture, reçue par e-mail. Ces performances individuelles(4)  sont rassemblées et diffusées lors de l’exposition du même nom, via une installation murale composée d’une multitude d’écrans, collés les uns aux autres, le long d’un immense pan de mur.


Enfin, en 2014, la plasticienne Laina Hadengue s’associe à la chorégraphe Neige Salinas, alors enceinte, pour la performance Effet-mère(5). Filmée en caméra fixe parmi des objets du quotidien éparpillés sur le sol, la danseuse mime avec grâce les émotions suscitées par les différentes étapes de la grossesse, dans des ambiances colorées changeant sous l’effet de filtres superposés. L’authenticité des gestes de l’interprète ajoute de la puissance au travail plasticien sur l’image, déjà très inspirant.

​

​

1. Audrey Rousseau, « La volonté politique de commémoration des morts appartient aux vivants. », Conserveries mémorielles, rev. transdisciplinaire de jeunes chercheurs, sept. 2017, Vol.21. https://journals.openedition.org/cm/2771
2. Hans Namuth, Paul Falkenberg, Jackson Pollock 51, film, 1950. https://www.youtube.com/watch?v=CrVE-WQBcYQ

3. Unravel Travel TV, Retrosp. Bill Viola au Musée Gugg. Bilbao, 30 Juin au 9 Nov. 2017. https://youtu.be/3SB-dkZd_Sg     

4. Bérengère VOISIN, « La délibération mise en scène : Prenez soin de vous (2007) de Sophie Calle ou les vertus du chœur », publications numériques du CÉRÉdI, “Actes de colloques et journées d’étude (ISSN 1775-4054)”, n° 16, 2016. http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?la-deliberation-mise-en-scene.html     

5. Laina Hadengue, Neige Salinas, Conscience effet-mère, Festival “Cours devant”, MAC Paris, 2014. https://www.youtube.com/watch?v=ICmVl0Y3pw4

​

​

Pour citer cet article :

Valérie Galerne a.k.a Mari Gwalarn, "Faire monument, la mémoire du Geste. Le film d'artiste plasticien.", La pièce rouge [...], site de recherche de l'auteur, [en ligne], acte pour le séminaire "Gestes) Public(s) : la recherche en Action", animé par Marion Hohlfeldt et Etienne Delprat, Université de Rennes 2, 11 mai 2020, mis en ligne le 1er juin 2020.

bottom of page