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Mémoire La Pièce rouge [...]

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Rencontre avec Coco Téxèdre

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Editions d'artistes

Critique d'art

Théorie de la création actuelle

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Rencontre avec Coco Téxèdre, artiste et éditrice
par Valérie Galerne a.k.a. Mari Gwalarn - 19 novembre 2020
Acte pour le séminaire Art et Edition, animé par Marie Boivent
Université de Rennes 2 - UFR ALL - Classe de Master Art Pla Recherche

 

Coco Téxèdre est une artiste plasticienne française, connue pour son travail d’éditrice et d’auteure de livres d’artistes. J’ai eu l’opportunité d’échanger avec elle sur cette démarche particulière. L’artiste présente son travail sur son site internet : http://www.cocotexedre.com/
Au début des années 90, le livre d’artiste est avant tout un médium et une technique, au même titre que la sculpture ou la gravure. Elle expérimente tout d’abord l’esthétique de l’écriture instinctive, qui se présente comme un enchevêtrement indéchiffrable de graphismes. Cet exercice se veut thérapeutique et lui permet de se libérer des limites du support, investissant des bouts de papier et des dessins colorés, qui prennent ainsi une autre dimension. À l’époque, produire des livres d’artistes n’est pas une évidence, même si beaucoup de structures sont intéressées par ses productions. Faire vivre ses livres est « un jeu ambitieux »(1) et l’artiste doit se muer en éditeur pour diffuser sa production. Elle travaille beaucoup avec les bibliothèques, dont le réseau est alors en plein essor sur tout le territoire national, sous l’impulsion d’une nouvelle politique en faveur de la lecture et de la démocratisation de l’accès au livre.


Férue de littérature classique, elle s’inspire de textes de Rabelais ou Jean de la Fontaine, pour les revisiter sous une forme plus actuelle. Sa région soutenant les projets de livres à tirage limités des poètes contemporains, Coco Téxèdre s’associe à des auteurs de sa connaissance, dont la philosophe et poétesse parisienne Suzanne Aurbach. Elles produisent ensemble plusieurs ouvrages dits de dialogues(2), dans lesquels les dessins de l’une répondent aux mots de l’autre. Sous l’impulsion de ces échanges constants, les livres revêtent des formes originales et uniques comme, en 2002, l’Orange nycthémère, un fruit de papier qui se pèle et se décompose ensuite en quartiers pour être lu. En tout, Coco Téxèdre a déjà édité près de 300 titres, en tirages limités, en très petites séries (maximum 60 exemplaires) ou encore en livre unique. Elle aussi, comme d’autres, témoigne que l’édition de livres d’artistes est une activité difficile, pas très rentable. Il est parfois même difficile de rémunérer correctement les auteurs. Coco Téxèdre leur réserve une dizaine d’exemplaires en moyenne, selon le type de tirage. L’artiste propose également des ateliers de découverte et de pratique de livre d’artiste, et des jeux d’écriture « illisibles », qui sont des expériences de déstructuration libératrices. « Certaines personnes réussissent à se désinhiber vis-à-vis de l’écriture ». Ces ateliers permettent à Coco Téxèdre de rompre l’isolement propre à l’activité de production. Lorsqu’ils sont tenus dans le cadre de résidences, ils lui permettent d’aller au devant du public plus facilement, d’aborder, avec les autres, la création contemporaine de manière concrète. S’en suit une dynamique de don et de réception, mutuelle, satisfaisante, autant pour l’artiste que pour ceux qui partagent leur enthousiasme à la découverte. En employant des matériaux pauvres, non polluant, l’approche est plus simple et intimiste. « Les bouts de papiers disent beaucoup de choses de soi. »

On remarque, parmi toute sa production, un intrigant petit leporello coloré, découpé selon la forme d’une chemise et présenté dans une boîte en en reprenant l’esthétique. Il s’agit de Ribambelles(3), une pièce ayant été produite à la suite d’une exposition de son travail plasticien cette fois. Féministe, « engagée tardivement » dans cette lutte, l’artiste présente au début des années 2000, une suite de chemises anciennes de lin brodées par des femmes, customisées par ses soins. Rigidifiées, peintes, retravaillées, déchiquetées et pourvues de cibles, l’ensemble est destiné à dénoncer les violences faites aux femmes. On est saisi du contraste des couleurs vives et au style enfantin et joyeux, avec le sujet grave dont s’empare l’installation. Le livret, qui prolonge donc l’exposition bien au-delà de l’évènement, reprend cette contradiction. L’auteur explique qu’elle a souvent employé le décalage, par l’humour et la légèreté, pour traiter des problématiques militantes. Ainsi, pour répondre à une commande historique pour les 500 ans de Jeanne d’Arc, elle a décidé d’égrainer un peu le mythe en illustrant, avec fantaisie, les dessous (culottes) de l’héroïne. « Ne pas trop intellectualiser la pratique, utiliser l’émotion, c’est travailler avec vérité ! », conclue Coco Téxèdre.

 

1. Les expressions entre guillemets sont les propres mots de l’artiste Coco Téxèdre.

2. C’est à la suite de cet entretien que je décide me reposer sur l’idée du livre d’artiste dit de dialoguescomme point de départ de ma thématique pour ce projet d’exposition.

3. J’ai retenu le livre d’artiste Ribambelles pour mon projet d’exposition.

 

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Pour citer cet article :

Valérie Galerne a.k.a Mari Gwalarn, "Rencontre avec Coco Téxèdre, artiste et éditrice.", La pièce rouge [...], site de recherche de l'auteur, [en ligne], acte pour le séminaire "Art et édition", animé par Marie Boivent, Université de Rennes 2, 19 novembre 2020, mis en ligne le 23 aout 2021.

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