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Mémoire La Pièce rouge [...]

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Rencontre avec Garance Dor

Revue Véhicule

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Editions d'artistes

Critique d'art

Théorie de la création actuelle

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Rencontre avec Garance Dor - La revue Véhicule
par Valérie Galerne a.k.a. Mari Gwalarn - 15 octobre 2020
Acte pour le séminaire Art et Edition, animé par Marie Boivent
Université de Rennes 2 - UFR ALL - Classe de Master Art Pla Recherche

La rencontre avec Garance Dor, artiste, doctorante et éditrice de Véhicule, s’est tenue le 15 octobre 2020, au centre de documentation du FRAC Bretagne à Rennes. J’ai choisi de faire le compte-rendu de cette séance car notre invitée a un grand nombre de points communs avec moi, autant par son parcours, que par ce qu’elle dit de sa démarche. Dans l’annonce de son colloque, initialement prévu début novembre 2020, puis reporté à cause d’un second confinement national, elle indique que l’objectif « est de questionner les pratiques des artistes qui choisissent non pas de faire l’œuvre mais de faire faire l’œuvre.(1) »

J’ai moi-même ouvert progressivement mon protocole par un recours systématique à la participation, du moins dans la phase de conception et de création des prototypes pour mes sculptures destinées à être installées dans l’espace public. J’ai justement choisi de traiter de cette initiative-là dans mon mémoire de master. Je suis donc particulièrement attentive à toutes les trouvailles sur le sujet de l’action collective et démocratique dans l’art.
Garance Dor présente les numéros 2 et 3 de la revue qu’elle dirige avec l’artiste graphiste, Vincent Menu. Il s’agit d’un ensemble d’éléments imprimés, imaginés par des auteurs, designers, plasticiens, écrivains, et musiciens, édités ici, à plusieurs centaines d’exemplaires, et distribués dans une dizaine de lieux à Paris, Rennes et Albi. On peut également découvrir et acheter Véhicule, via : http://www.revuevehicule.net/


Si les deux premiers numéros sont parus en 2010 et 2011, indépendamment de toute commande institutionnelle, le troisième numéro, d’avril 2020, est également un outil de démonstration de pratique artistique pour la recherche universitaire. En effet, l’éditrice prépare actuellement une thèse dont la direction est partagée entre deux disciplines académiques, les arts plastiques et le théâtre. Elle a envisagé le contenu de Véhicule comme une suite de partitions (son objet d’études), c’est-à-dire, comme en musique classique, des documents qui permettent à une tierce personne d’interpréter les œuvres dont elles en sont les transcriptions. Au théâtre, ce type d’objet est associé à une pratique artistique performative. Ces partitions se présentent sous une multitude de formes et sont codifiées selon l’univers propre à l’auteur. Comme une autre référence à la musique, le contenu de sa revue se rassemble dans une grande enveloppe transparente carrée aux dimensions d’une pochette de disque 33 tours. Cette remarque formulée par Garance elle-même, introduit un exposé fort instructif et documenté sur l’histoire des mouvements artistiques fondateurs, tel Fluxus dans les années 60. À cette époque, des compositeurs développent des pratiques inédites dans la notation, à l’instar de John Cage qui utilise des textes et des graphiques au lieu des portées traditionnelles. Les artistes visuels, quant à eux, se mettent à produire des livres, diffusant des formes d’écritures nouvelles, déstructurant la page et son texte. « La revue devient alors dispersable. » Ceci évoque immédiatement La boîte alerte, invention de l’artiste Mimi Parent, réalisée, avec Marcel Duchamp, pour l’« Exposition internationale du Surréalisme », qui s’est tenue de décembre 1959 à février 1960, dans la galerie Daniel Cordier à Paris(2). Sa forme rappelle également un objet usuel, une ancienne boîte aux lettres individuelle. Chaque artiste de la rétrospective avait été convié à y contribuer en imaginant un élément à mettre dedans : lettre, carte postale, message secret, reproduction, un bas, un disque, etc. Garance Dor a repris cette formule participative pour son propre ouvrage, un objet collectif invitant le lecteur à l’action.

Mais cette fois, il n’y a pas de thème général, comme autrefois l’Éros l’était pour les surréalistes. L’éditrice explique que c’est la cohérence esthétique et idéologique qui est recherchée avant tout. Dans Véhicule N°3, on peut retrouver des jeux de cartes, des messages à décrypter, d’autres à lire, certains demandent à être placardés, ou bien découpés, tandis que d’autres attendent simplement des réponses. A la conception, les formats des contributions ont été parfois ajustés. Par exemple, le texte de Marcel Alocco, Poétique N°2 (1968), à l’origine se présentant comme une simple note sur une feuille A4, est magnifié dans un format poster. La texture toutefois légère du document, et les grands espaces laissés libres entre les caractères, incitent à y ajouter sans complexe ses propres annotations… ou pas. D’ailleurs c’est aussi la consigne laissée dans le petit leporello d’Eric Watier(3), que l’on trouve dans Véhicule N°3 : « Écrire sur n’importe quel support : sur ces mots il y a peut-être votre regard, ou peut-être pas. »
Ensuite, Garance Dor se confie davantage sur son long parcours qui l’a conduite, de la performance scénique et une vie de bohème, à l’exigeant cheminement à l’Université et les devoirs d’une artiste-chercheure et professeure agrégée. À cela, répond en écho le dur labeur de l’édition, si peu lucratif, et pourtant chronophage. Je retrouverai par la suite exactement le même discours, lors de l’interview de l’artiste et éditrice Coco Téxèdre(4), de 25 ans son aînée pourtant. Certaines difficultés, en art, semblent être immuables.

Lors de cette séance au FRAC, après une réflexion quant à la distribution d'une telle revue, je fais une remarque sur sa distribution. Il me semble qu’un vaste secteur de la consommation du livre est oublié dans nos échanges : celui des médiathèques territoriales, qui disposent elles aussi de fonds en livres d’artistes(5). Il est des rencontres qui vous mettent sur une voie autant attendue qu’inédite. L’auteure à succès Nadine Satiat raconte comment la découverte de l’œuvre de Louise Bourgeois l’a amenée à se projeter elle-même dans sa propre histoire, à un moment où elle en avait justement besoin. Ce qu’elle a écrit sur l’artiste franco-américaine n’a rien d’une biographie classique. Elle a même dépoussiéré ce genre littéraire, par l’apport au récit, de ses propres souvenirs et de son témoignage très personnel de l’émotion ressentie face à ce qu’a laissé au monde, celle qu’elle surnomme « la vieille dame »(6). Durant ce semestre, les intervenants du séminaire « Art et édition » ont su nous livrer avec brio leurs expériences. Mais, c’est sûrement Garance Dor qui m’aura le plus influencée dans la découverte d’un domaine d’étude m’étant peu familier, et que je désirais connaître. Il m’apparaît que sa revue Véhicule N°3 est d’un format idéal pour celui ou celle qui voudrait se lancer dans une médiation reposant sur l’édition artistique, tout simplement parce qu’elle a été conçue pour cela. Aussi, je décide de m’en emparer et d’en faire une pièce pivot pour mon projet d’exposition fantasmée autour du livre d’artiste : un carré jaune pour un dialogue dans la pièce rouge. Rouge-garance, bien sûr !

 

1. Dor, Garance, « Organisation du Colloque PARTITIONS SCRIPTS », FRAC Bretagne le 6 et le 7 novembre2020 et à Paris le 11 et le 12 décembre 2020 (Enseigne des Oudin et INHA), (annulé et reporté). [Enligne, consulté le 20/11/ 2020]. http://www.revuevehicule.net/indexhibit/index.php?/theorie/-theorie-/

2. Voir la référence à La boîte alerte sur le site du Centre Pompidou à Paris,www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/cGEe5Lz . Cette œuvre se retrouve donc dans ma sélection.

3. Je retrouverai souvent les production d’Eric Watier au cours de ma préparation, Je décide alors d’inclure une de ses productions, dans ma sélection.

4. Voir l’interview de Coco Téxèdre dans les publications. J’ai retenu plusieurs de ses livres d’artistes numérotés dans ma sélection.

5. Voir le compte-rendu d’enquête auprès de la médiathèque départementale 35 dans les publications.

6. Satiat, Nadine, Au miroir de Louise, Paris, Flammarion, 2013.

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Pour citer cet article :

Valérie Galerne a.k.a Mari Gwalarn, "Rencontre avec Garance Dor, la revue Véhicule.", La pièce rouge [...], site de recherche de l'auteur, [en ligne], acte pour le séminaire "Art et édition", animé par Marie Boivent, Université de Rennes 2, 15 octobre 2020, mis en ligne le 23 aout 2021.

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