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CR de vidéo- conférence :

Nancy Huston, « Entretiens - Plain songs », Canal U

«  Dedodododedadada is all I want to say to you ! »(1)

Nancy Huston, écrivaine à succès, auteur d’une quarantaine de romans et essais,  est interviewée par Christine Goemé, journaliste spécialisée en philosophie et productrice pour France Culture, dans le cadre des vidéo-conférences « Entretiens » de la chaîne Recherche Savoir Interdisciplinarité Formation de l’Université de Strasbourg, sur le site Canal U. L’émission est retransmise en ligne depuis le 3 avril 2012 et dure 79 minutes. L’auteure intervient pour parler de la pratique du bilinguisme, étant canadienne native de l’Alberta, en territoire anglophone, et également résidente en France où elle a fait ses études dans les années 70.

Lorsqu’elle est arrivée en Europe, l’apprentissage du français a eu sur Nancy Huston, selon ses dires, un effet magique. Se réaliser dans sa langue maternelle lui était alors impossible, à cause des  « failles de l’enfance » et de l’émotion qu’elle ressentait à les évoquer. Entourée de francophones très bienveillants, elle n’est pas non plus tombée dans « le piège la langue de bois, propre aux académies »(2). Son rapport à la  francophonie est donc lié à un sentiment de libération. Elle explique que : « L’illusion de l’absence de déterminisme allait bien avec l’idéologie révolutionnaire en France dans les années 70 »(2). On devine aisément quelles ont du être ses premières influences, soutenues par une nouvelle philosophie de la critique du savoir, contestataire de l’ordre établi par une société de classes en plein bouleversement. Formée donc à la théorie littéraire qui prône l’analyse et le décorticage du récit, elle tente pourtant de se détacher de la méthode, trop élitiste.

Elle cherche à produire un écrit qui puisse parler à tout-le-monde : le roman. « Pour écrire des fictions, il faut être ancré dans la vie »2. Cela implique pour Nancy de renouer avec son passé et sa langue maternelle. Elle se justifie ainsi : « Je ne voulais pas être dans les fragments amoureux, mais dans l’amour. »(2). Selon Nancy Huston, on ne peut parler du langage, lorsqu’on est un écrivain occupé par la condition humaine, sans aborder la question de la construction de l’identité. Celle-ci est élaborée à partir de toutes les fictions que l’on nous raconte depuis la naissance, qui se succèdent et « se superposent en cercles concentriques autour de l’individu. »(2). De même, la langue que l’on adopte a été élaborée par ceux qui nous ont précédés. Son acquisition repose sur sa transmission et les interactions sociales qui les permettent, au sein du foyer d’origine, puis, à tous les échelons sociaux, à tous les moments de la vie.

Le sentiment national lui-même est le résultat d’une histoire vécue pour une nation. D’expérience, l’auteure affirme qu’il est plus difficile pour un pays jeune dans ses fondations d’être fier de son identité nationale. C’est aussi pourquoi Nancy Huston ne consacre pas ses premiers ouvrages au récit de l’histoire de sa province de naissance. Il faut qu’elle rencontre une communauté New-yorkaise d’Haïtiens, à l’occasion d’un travail de reportage sur leur condition d’exilés, pour comprendre comment la conservation et la transmission de la culture identitaire et des traditions ancestrales peuvent aider les individus à exister socialement. Un  paradoxe rencontré par l’auteure au Canada, et plus particulièrement au Québec, est l’attachement sans concession au parlé francophone, et, par opposition, la franche hostilité à l’anglais, perçu comme étant la langue de « l’envahisseur ». Ainsi, étant identifiée comme une auteure anglo-saxone, elle a été particulièrement critiquée par la société des éditeurs franco-canadiens lors de l’obtention de son prix pour son premier livre écrit dans les deux langues (anglais et français). Pourtant, Plain song ou le Cantique des plaines(3) met à l’honneur l’histoire de son pays. En réponse, Nancy souligne malicieusement, qu’après tout, les francophones sont également des envahisseurs de ce territoire, occupé autrefois par des indiens natifs américains.

 

A l’exclamation de la journaliste « Traduire c’est changer de culture, c’est passer des murs ! », l’écrivaine répond que c’est pour cela que dès les années 90, elle écrit deux versions différentes pour chacune de ses histoires. La première mouture dans une des deux langues, l’anglais ou le français, est réécrite, donc améliorée, pour être racontée dans la pensée caractéristique de l’autre langue. Nancy Huston affirme que parler couramment une langue autre que maternelle permet d’élargir son horizon et d’être plus humble et respectueux d’autrui. « La langue étrangère nous équilibre », dit-elle encore.

La conférence se termine par une séance de lecture humoristique et très originale, par Nancy Huston, d’extraits de son roman Plain song ou  Le cantique des plaines(3). La démonstration a de quoi enthousiasmer les plus blasés : Chacun des protagonistes de l’histoire parlant dans sa propre langue d’origine(4), l’auteure, en comédienne douée pour l’exercice, retransmet à l’oral le bilinguisme assumé de son récit. Elle utilise alors les différents accents de terroirs, qu’elle maîtrise à la perfection  :  français parisien, joual québecois, anglais britannique, anglais irlandais, etc.

1. Gordon Sumner a.k.a. Sting, De Do Do Do De Da Da Da, 1980, The Police, album Zenyattà Mondatta, A&M Record Ldt. https://youtu.be/7v2GDbEmjGE
2. Plusieurs citations littérales de l’auteure.
3.  Nancy Huston, Plain song ou Le cantique des plaines, McArthur & Company Publishing, Toronto, dec. 1993.
Genevieve Waite, « Nancy Huston’s Polyglot Texts: Linguistic Limits and Transgressions », L2 Journal, CUNY, the Graduate Center, 7(1), 2015.
http://dx.doi.org/10.5070/L27124490 Retrieved from https://escholarship.org/uc/item/85w679q0

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Pour citer cet article :

Valérie Galerne a.k.a Mari Gwalarn, "Nancy Huston ,« Entretiens, Plain Song »", site de recherche de l'auteur, [en ligne], CR de vidéo-conférence Nancy Huston sur Canal U,3 avril 2012, Université Strasbourg,mis en ligne le 1er juin 2020.

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