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Mémoire La Pièce rouge [...]

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Pour un monument aux mortes

Militantisme féministe

Art dans l'espace public

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Image des femmes dans l'art,  les médias, et les oeuvres de fiction

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CR de conférence :

Loanis Deroide , « Dominer le monde :  les séries historiques anglo-saxonnes »

« Bang, Bang, he shot me down »(1)

Loanis Deroide, professeur agrégé d’histoire, est auteur de plusieurs livres et articles sur les séries télévisées, dont Dominer le monde : les séries historiques anglo-saxonnes(2), un ouvrage sur lequel repose le contenu de la conférence qui s’est tenue le 23 octobre 2019 à l’Université de Rennes 2. Cette séance s’inscrit dans le cycle de rencontres « Conf’ en séries » autour d’ouvrages scientifiques analysant ce sujet. L’évènement est organisé par l’unité de recherche Anglophonie ACE, en partenariat avec l’association Saute-Requin et le service commun de documentation.
 

Léonis Deroide nous embarque, en une heure trente de voyage dans le temps, pour une rétrospective d’un siècle de séries historiques. Dès le départ, l’assistance majoritairement composée de femmes se demande si l’exercice n’est pas un peu masochiste car on se rend compte à quel point la production de ce média est consacrée à la représentation d’une masculinité hégémonique.(3) Cependant, pour que le meilleur soit effectivement à venir, il est utile de se plonger dans les méandres du passé et en tirer des leçons. Voici donc partis, pour une exploration des origines romanesques des œuvres sérielles, des étudiant(e)s de toutes classes, équipés de chapeaux et bottes de cow-boys&girls imaginaires. Nous oublions bien vite, grâce au talent de conteur de l’orateur, que nous sommes serrés, dans le petit amphithéâtre du bâtiment E, comme du bétail dans son enclos.

Que l’on s’intéresse aux productions américaines ou britanniques des années 1930 à 50, le constat est le même : la narration est dédiée à l’aventure guerrière d’où émerge la figure tutélaire du fier justicier sans peur et sans reproche… quoi que. A cette époque où les séries sont longues, comportant un nombre impressionnant d’épisodes pour des saisons qui se succèdent en myriade, les règlements de comptes se font à coup de pistolets, selon le modèle du héros patriote mais violent qui jamais de désarme. Dans la paranoïa mondiale ambiante, à l’opposé du spectre, un autre personnage récurrent apparaît, non moins reluisant, celui du traître dont la méchanceté ne semble pas à mettre en doute. Ce dualisme quasi-religieux perdure dans les séries des années 60 même si, à cette époque-là, le genre historique laisse la place, dans le cœur des téléspectateurs, à ceux de l’espionnage et de la science-fiction.
 
Progressivement, l’intrusion de la fantaisie dans les scénarios modère le ton de la dramaturgie jusqu’à son détournement en comédie douce-amère. L’humour aide à se consoler des catastrophes. Ainsi, on peut citer en exemple l’excellente série Dad’s army(4), diffusée de 1968 à 1977, qui permet aux britanniques de s’attacher la mémoire de leur armée de réserve(5) durant la seconde guerre mondiale. Elle est alors constituée de personnes âgées ou handicapées, en charge de protéger et guider les populations civiles durant les alertes aux bombardements. Le succès de ces personnages archétypaux et de leurs répliques, devenues cultes, permet de populariser la figure de l’anti-héros, pour le bien de tous.

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Mais le traitement des faits dramatiques de l’Histoire par la fiction atteint ses limites avec la série Holocaust(6), qui est à la fois une réussite et en même temps un scandale mondial, du fait de son exploitation commerciale. La série qualifiée de « docu-drama » est pointée du doigt par le philosophe Elie Wiesel. Elle est récusée par de nombreuses personnalités politiques et médiatiques survivantes de la Shoah. D‘autres sujets graves, comme l’esclavage ou la lutte féministe contre le sexisme n’apparaissent que tardivement et sont traités avec beaucoup de réserve, voire, une certaine mièvrerie. En comparaison, les histoires d’hommes blancs charismatiques ne manquent jamais à l’appel, jusqu’à notre époque. Ils sont toujours les héros implacables des grandes fresques où règnent en maîtres la violence, le sang et le sexe, toujours plus brutal et déviant.

La fin de l’exploration aurait pu virer pour moi en déprime totale si l’un de nous n’avait demandé malicieusement : « Et Zorro(7), l’homme masqué avec ses collants et sa cape, c’est une série historique ? » . La réponse affirmative nous replace immédiatement dans le confort plaisant de l’évocation de nos souvenirs d’enfance. Moi aussi, j’ai souvent rêvé d’être un héro vengeur masqué, même si (et surtout parce que) je suis une fille.(8)

1. Sony Bonno et Cher, Bang bang, my baby shot me down, Sony and Cher, Imperial Record, 1966. Vidéo clip incluant des scènes du film Chastity,  Alessio de Paola, American International Picture,1969. https://youtu.be/KfyBHZc9rK4
2. Loanis Deroide, Dominer le monde : les séries historiques anglo-saxone, Paris, Vendémiaire, L’univers des séries, 2017.
3. Raewyn Connell, Masculinités : Enjeux sociaux de l’hégémonie, Paris,  Édition Amsterdam, 2014.
4. Jimmy Perry et David Croft, Dad’s Army, série télévisée, Royaume-Uni, B.B.C.1, 9 saisons, 80 épisodes, diff. 31/07/1968 au 13/11/1967.
5. David Caroll, Dad’s Army : The Home Guard 1940-44, New York, The History press, e-book édition, 2013.
6. Gérald Green,  Holocaust, mini série historique télévisée, Marvin Chomsky (prod.), Etats-Unis, N.B.C., 4 épisodes, 1978.
7. Johnston McCulley, Zorro, série, Walt Disney (Prod.), Etats-Unis, A.B.C., 2 saisons, 80 épisodes, diff. 10/101957 au 2/04/1961.
8. Olivier Besombes, Zorro L’emblème De La Révolte, Éd. Yris, Draguignan, 2015.

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Pour citer cet article :

Valérie Galerne a.k.a Mari Gwalarn, "Loanis Déroïde,Dominer le monde [...]", site de recherche de l'auteur, [en ligne], CR de conférence Loanis Déroide et le laboratoire ACE, 23 octobre 2019, Université de Rennes 2,mis en ligne le 1er juin 2020.

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